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Conversation avec ma tête
En bleu, c'est la personne, en rose, c'est la partie du corps
Que se passe-t-il ce matin, j'ai la tête toute embrouillée, les pensées qui s'entrechoquent, je n'arrive pas à y mettre de l'ordre.
Pas étonnant, pas étonnant…
Quoi? Qui me parle?
C'est moi, ta tête, je peux peut-être te donner un coup de main.
Toi la tête, tu peux me donner un coup de main, tu rigoles!
Tu vois, tu analyses, tu dissèques tout, tu m'utilises comme un ordinateur mais tu rentres tant de données en même temps et de sujets si différents que je ne m'y retrouve pas. Et pourtant, je suis à ton service, je suis là pour t'aider, te soutenir, et non pour te donner du soucis.
Bon d'accord, mais qu'est-ce que tu proposes, si je te disais que je ne sais pas comment procéder!
Je te crois et d'ailleurs je suis la première à en souffrir. Par exemple, tu m'envoies en même [Ne pas oublier d'acheter du pain], [Acheter un cadeau pour l'anniversaire de maman], [Pourquoi j'ai rêvé de cet ancien collègue?], [Est-ce que Francis va rentrer dîner], [Téléphoner au garage pour le service de la voiture], [Ecrire le prochain chapitre de mon livre], [Comment va ma sœur Annelyse], [Acheter des cartouches pour mon imprimante], [Est-ce qu'il y a une vie après la mort?], [Pourquoi ai-je peur de manquer d'argent?], [J'aimerais revoir le Canada], [Je retournerai à Ksar Ghilaine], […]
Arrête… je vois ce que tu veux dire… ma question est [comment faire]?
Tu as mis du temps pour en arriver là. Il te faudra aussi un peu de temps et de patience pour revenir à une utilisation rationnelle de mes services, et ainsi me redonner un équilibre. D'abord, voyons ensemble quels messages tu m'envoies? Quel vocabulaire tu as l'habitude d'utiliser en parlant de moi ?
Quels messages? Quel vocabulaire? Il me semble que je ne parle pas souvent de toi.
Et que penses-tu de [Ça me prend la tête], cette histoire?
Mais c'est une façon de parler, tu ne vas quand même pas me dire que tu prends tout à la lettre?
Et bien oui, je suis là pour fonctionner, pour t'obéir, je suis un exécutant. Quand tu dis [Ça me prend la tête], je me serre, je me crispe et tu t'étonnes après de ressentir des douleurs à la tête. La douleur, c'est un message pour t'indiquer que c'est étonnant ce que tu me demandes là.
D'accord, je saisis ce que tu veux dire. Je surveillerai mieux mon langage à ton sujet. Il y a autre chose?
J'ai beaucoup de mal à interpréter [J'ai la tête dans le cul] dis-moi ce que je dois faire avec ça?
C'est une expression, pas très jolie pour toi j'en conviens, pour dire que je ne vois rien, que c'est le trou noir.
Et bien je te suggère de l'utiliser seulement après réflexion parce que, physiquement, moi qui suis un exécutant, je ne vois pas très bien comment procéder… Et quand tu dis [Je me masturbe les méninges] tu entends quoi?
Tu fais l'idiote ou quoi? c'est pourtant évident, je fais travailler mon cerveau à grande vitesse. Et là tu pourrais encore me demander ce que veut dire [Je fais de la dysenterie cérébrale]?
Je te le demande. Pourquoi as-tu cette fâcheuse tendance à m'associer ce genre de propos qui n'ont rien à voir avec moi, et après tu t'étonnes que je t'envoie des malaises, des maux de tête, pour tenter d'arrêter le massacre. Une autre de ces expressions me vient à l'esprit [Je me tape la tête contre les murs]. Tu es consciente de l'impact que cela peut avoir?
J'en ai d'autres, [Avoir peur que le ciel me tombe sur la tête] ou bien [J'ai la tête qui éclate]. Je vais m'arrêter là. Il y a autre chose. Pourquoi le soir, quand je vais me coucher, j'ai l'impression que c'est toi qui prends le contrôle de la situation?
Lorsque tu es couchée, tu te calmes et tu entends mieux. Moi la tête, je reste là avec toutes les idées mélangées que tu m'as laissées durant la journée et je te demande simplement ce que je dois en faire. Je fais mon travail et toi tu voudrais tout effacer pour t'endormir. Ce n'est pas possible puisque ma mission est d'exécuter ce que tu m'as demandé.
C'est un fait, je t'utilise mal. Parfois, je prends un somnifère, une drogue qui va m'endormir?
Je trouve cela bien incohérent. Tu n'as pas beaucoup de suite dans les idées… Tu me demandes ceci ou cela, et puis tu décides de prendre une drogue pour pouvoir l'oublier. Le plus idiot dans tout cela est que le lendemain tu recommences le même cirque au lieu de prendre un moment pour toi, de t'asseoir ou de t'allonger et de m'aider à mettre de l'ordre dans tes idées.
C'est quoi ce truc? Moi, t'aider, mais comment?
Je suis le serviteur et le serviteur a besoin de directives précises de la part du maître pour bien fonctionner. Si le serviteur commence à en faire à sa tête (si j'ose dire) le maître ne sera pas satisfait. Ce n'est pas mon rôle de prendre les décisions, je suis seulement là pour ressortir les renseignements accumulés dans ta mémoire. J'ai aussi la capacité de faire des synthèses, de trouver des solutions. Mais celle qui décide, c'est toi. Et permets-moi de te dire que je suis surprise d'être obligée de te le rappeler.
Tu as raison, la tête. Et je suppose que si pareille situation dure trop longtemps, cela peut déboucher sur des problèmes plus graves?
Je ne suis que la tête, mais j'ai entendu que certaines têtes ne sachant plus du tout ce que leur maître attend d'elles ont fini par démissionner.
Quelle est ton idée, pour améliorer ton travail de serviteur?
Prends chaque jour un moment pour t'entretenir avec moi. Va dans la campagne, dans la nature ou retrouve-toi seule dans une pièce. Tu t'assieds, tu respires profondément. Tu écoutes ce que j'ai à te dire et tu décides quelque chose par rapport à chaque pensée en suspens. Tu peux très bien décider de remettre la décision à la semaine ou au mois suivant, parce que tu ne possèdes pas tous les éléments. Ce dont j'ai besoin, c'est de savoir ce qu'il faut faire avec ce que tu m'as laissé. Quand tu auras passé en revue toutes les questions, tu auras accès à une partie plus profonde de toi que tu ne connais peut-être pas encore.
Une partie plus profonde?
Tu pourras commencer à rêver, à penser l'avenir comme tu le désires et qui sait, à avoir accès à d'autres dimensions que tu ignores complètement pour l'instant.
Comme quoi? des images… des musiques…
Je vais faire mon travail, ce pour quoi je suis là. Tu as lu un livre sur l'intuition. Tu pourrais développer ton intuition et petit à petit apprendre à lui faire plus confiance.
J'aimerais cela.
Tu sais une idée, cela surgit en un instant. Combien de fois dans ta vie, as-tu reçu une idée? Combien de fois l'as-tu trouvée bonne pour toi? Et puis combien de fois l'as-tu oubliée?
J'ai beaucoup d'idées, elles vont et viennent. Tu as encore raison, mais [Ne prends pas la grosse tête] pour ça. Dis-moi plutôt comment changer les choses.
Une habitude, il faut trois mois pour la modifier, trois mois où tous les jours tu penses autrement, tu ressens autrement, tu agis autrement et finalement cela devient automatique. Pour réussir, fais-toi des [Pense bête]. Tu mets un rappel quotidien sur ton ordinateur. Tu colles des papiers sur le réfrigérateur, dans ta voiture, sur le miroir de la salle de bains, derrière la porte des toilettes. Partout, tu écris [Je veux devenir maître de mes pensées]. [Je prends du temps chaque jour pour faire de l'ordre dans mon esprit, le libérer].
Pas bête la tête, c'est une excellente idée.
J'ai une bonne maîtresse qui me nourrit de lectures, de réflexions, de cours, de discussions profondes avec des amis.
Merci la tête.
Attends, il y autre chose.
Je t'écoute ma précieuse compagne!
Tu m'as donné des informations bizarres contradictoires, pour certaines situations de ta vie.
Quoi par exemple, là tu m'intéresses beaucoup!
Tu vivais seule depuis plusieurs années et au fond de toi-même, tu rêvais de rencontrer un homme BSTR (bien sous tous rapports), mais tu te sabotais. Quand l'occasion se présentait, tu t'esquivais. Exemple. Tu étais dans la file d'attente de la caisse du supermarché, un homme qui aurait pu te convenir attendait aussi. Quand il te regardait tu tournais la tête. Quand il avait un air engageant, tu montais ton nez vers le ciel. Mais très discrètement tu louchais quand même dans sa direction. Tu peux m'expliquer ton comportement?
Mais, si j'avais été trop aimable, il aurait pu croire que j'étais une femme facile, il fallait bien que je lui résiste!
Où avais-tu acheté cela? [Une femme aimable est une femme facile]. Excuse-moi, c'est une insulte à ton intelligence.
Je ne pouvais quand même pas sourire au premier venu, être aimable avec tous les hommes que je croisais?
Et pourquoi pas? L'amabilité ça rend la vie plus belle. Alors, creuse un peu, pourquoi ce comportement?
Mais maman disait, fais attention tu vas te faire avoir… Il y a des filles bien moins intelligentes que toi qui s'y sont fait prendre.
Ta maman a agi au mieux de sa conscience et tu peux l'en remercier. Mais là, tu aurais pu réviser ta copie et faire ce qui était bon pour toi, c'est-à-dire, en l'occurrence être aimable avec les hommes si tu voulais atteindre ton objectif de partager un jour ta vie avec l'un d'eux. Cette croyance [une femme aimable est une femme facile] tu l'as dépassée aujourd'hui.
Oui, je le crois. Tu en as d'autres?
Il t'arrive quelquefois d'être furieuse à l'intérieur, tu as très envie de dire ce que tu penses, de te mettre en colère même. Moi la tête, je sais bien ce que tu penses, mais tu ne dis rien. Tu n'es pas authentique. Ce n'est pas cohérent. Pour ne pas me charger, tu dois donner l'heure juste à chaque instant. Pourquoi retiens-tu?
C'est vrai je me retiens parce que j'ai peur de la réaction de mon interlocuteur (tiens, je l'ai mis automatiquement au masculin). Exemple. Quand je vivais avec le père de mes filles, j'avais signé un contrat avec une société de remise en forme. Cela me plaisait beaucoup d'aller trois fois par semaine faire de la gymnastique sous une bulle pour transpirer. Quand je suis rentrée après avoir signé ce contrat, j'étais terrorisée. J'avais pris la décision seule. J'étais certaine que l'homme allait se mettre en colère. J'ai attendu plusieurs jours avant de lui avouer la vérité, dans un état d'angoisse indescriptible. Finalement, je lui ai dit et devine ce qui s'est passé? Il s'est mis dans une colère noire et j'étais encore bien plus terrorisée. Et puis le calme est revenu. Ça me rappelle une citation [Je me souviens grand-mère disait, ça aussi ça passera].
Tu as peur de la colère de l'autre mais tu décides quand même toute seule! Est-ce du courage? En réalité, tu as encore plus peur de perdre ton indépendance, alors tu décides et ensuite, terrorisée, tu affrontes! Il a certainement un autre moyen!
Mon père, Dieu ait son âme, était un homme parfois colérique et il est vrai que, enfant j'aurais voulu être une petite souris pour pouvoir aller me cacher sous un meuble plutôt que de le voir fâché… Plus tard, je l'ai souvent provoqué, affronté malgré ma peur, le courage prenait le dessus!
Aujourd'hui, quelques dizaines d'années plus tard, tu ne crois pas que tu peux laisser tomber cette attitude, dire ce que tu penses simplement et te débarrasser de cette peur?
Facile à dire, elle revient toute seule! Prise dans l'émotion, je n'en suis pas toujours consciente. Dis-moi comment procéder?
Essaie de l'apprivoiser cette peur. La prochaine fois que tu prends une décision, réfléchis à l'homme et à ce qu'il peut bien en penser. Cela t'évitera de te retrouver dans cette situation de peur. Parle à l'homme de ta peur. Si tu prends une fois de plus une décision sans le consulter et que tu commences à trembler, à retourner dans ta tête les questions, je lui dis… je lui dis pas… regarde ta peur en face. Mieux, tu n'es pas la peur, c'est comme un personnage que tu as créé et qui t'a rendu service durant des années, tu en as eu besoin. Aujourd'hui, tu peux la remercier gentiment et lui dire que tu veux reprendre les commandes. Mesure les conséquences des tes décisions vis-à-vis de l'homme. Ne lui fais pas ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse. Plus ta peur diminuera, plus la colère de l'homme diminuera. C'est une relation de cause à effet. Lorsque tu ne dégages plus la peur de la victime, en face le bourreau peut aller se rhabiller.
Cela a beaucoup de sens, en théorie, mais la pratique, pas facile…
Je te l'ai dit, du temps… de la patience…
J'ai bien de la chance de t'avoir.
Merci. Pour finir j'ai un secret pour toi. Quand tu m'auras débarrassée de ces vieilles croyances que tu traînes et qui ne te servent plus à rien, quand tu sauras gérer tes pensées, j'aurai beaucoup plus de temps. Ta vie deviendra de plus en plus facile. Moi, je m'appelle conscient. J'ai deux ou trois copains qui ont eux aussi plein de choses à t'apprendre.
Converser avec...
votre corps, par les malaises et maladies,
il a quelque chose à vous dire...Tiré du livre
"Conversations avec mon corps"
de Christiane KollyVous pouvez copier en mentionnant
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