Je vois déjà certains lever les bras au ciel et dire "Non, alors ça, ce n'est pas possible". Pour ma part, la première fois que j'ai entendu cette théorie, j'ai pensé, tiens, pourquoi pas, cela a du sens, plutôt que d'avoir juste tiré les bons (ou les mauvais) numéros, j'aurais participé à ce choix.
Alors pourquoi avais-je choisi ce père et cette mère? Je ne voulais pas manquer la leçon, les leçons. Sur le moment, je ne voyais pas, avec ma carapace bien solide, on m'avait appris "Tu honoreras ton père et ta mère!" point barre. Mais quand j'ai commencé à gratter la carapace, je me suis permise parfois de détester mon père ou ma mère, c'était mon enfant intérieur qui était resté quelque part, avec de l'impuissante, de la tristesse, de la colère aussi, tout cela non exprimé. J'ai passé par toutes sortes d'états d'âme, de sentiments. J'ai eu besoin de me rebeller. J'ai laissé sortir ces émotions, ces sentiments coincés dans le passé. La faille une fois ouverte, je peux vous dire que je me demandais quand ça allait se terminer. Acceptation de ce qui est, vivre chaque moment tel qu'il vient. Si je les ai choisis tels qu'ils sont, mes parents, c'est que j'en avais besoin tels qu'ils sont pour ma propre évolution. On peut élargir en disant que mes frères et soeurs, mes enfants, mes petits enfants, tous les collatéraux, chaque âme qui fait partie de ma vie a été attirée à moi pour ma propre évolution, et réciproquement. J'aurais pu m'éloigner, ce que j'ai fait à vingt ans, pour ne pas "subir" tout ce qui ne me convenait pas. Mais je suis comme un aimant qui attire à lui les personnes nécessaires à son évolution, alors, inutile de fuir. Cela ne veut pas dire que, quand la situation est vraiment trop difficile, il ne faut pas prendre de la distance et se dire que cette leçon-là, on la laisse pour plus tard.
Mon père était un modèle, as de la vente, tribun qui savait conter les histoires mieux que personne, avec sa voix de ténor qui ouvre le coeur, sa jovialité, sa générosité. Il m'a permis de voir aussi que mon attirance quelque peu immodérée pour les plaisirs des sens méritaient d'être maîtrisée, la colère aussi. Paix à son âme.
Ma mère est un modèle, perfectionniste, volontaire sans en avoir l'air, gestionnaire de première, avec son goût pour la beauté. Elle m'a permis de voir aussi qu'entre le combat et la fuite, il y a d'autres solutions, et que la culpabilité voire la culpabilisation ne fait de bien à personne. Longue vie à elle.
Le plus beau cadeau dans tout cela, c'est de se dire que, quoiqu'il arrive, je l'avais choisi, j'avais besoin de ces circonstances pour une bonne raison. Et même dans les situations les plus difficiles, les plus souffrantes, se dire, comme ma grand-mère disait: "Cela aussi, ça passera!"
Christiane Kolly - 2 janvier 2014
La photo est de René Maltête