• Portelance Colette - Entretien, salon mieux-vivre Fribourg 2015

    Colette Portelance

    Bonjour Colette Portelance, un père cultivateur et une mère institutrice, cela vous a donné une bonne base pour la vie ?

    Une excellente base, pas seulement grâce à leur travail, mais surtout grâce à ce qu'ils étaient. J'ai vécu dans une ferme, dans la nature, les bois, le ruisseau, les oiseaux, les étoiles. Mon père m'enseignait les constellations, j'avais une qualité de relation extraordinaire avec lui. C'était un homme de relation et les gens venaient à la maison pour lui parler. Il avait une grande capacité d'écoute. Sans avoir eu accès à beaucoup d'instruction, c'était un philosophe qui adorait lire, nous lisions parfois les mêmes livres pour pouvoir ensuite échanger nos points de vue. C'est certainement pour cette raison que j'ai par la suite consacré ma vie à la relation, j'ai eu de bons maîtres.

    Votre nom me donne une image, en avez-vous cherché la signification et cela a-t-il eu une influence dans votre vie ?

    Oui, c'est mon nom de fille. Quand je me suis mariée, j'ai pris le nom de mon conjoint, mais je n'ai pas pu le garder, je ne me reconnaissais pas. Mon prénom également je l'apprécie, celui d'un grand écrivain. Notre ancêtre venait de Normandie, probablement du domaine militaire.

    Qu'est-ce qui vous a fait passer de l'enseignement à la relation d'aide ?

    Cela a toujours été ma passion, la relation. Adolescente, je priais pour rencontrer un conjoint avec qui il n'y aurait pas de problèmes relationnels. Ça peut faire rire, parce que des difficultés j'en ai eues comme tout le monde. J'ai cherché, lu des livres, suivi des ateliers, toujours pour améliorer cette relation. Après avoir enseigné à l'école secondaire, j'ai créé sur la base de l'approche non directive créatrice, la formation professionnelle en relation d'aide à Montréal. J'avais une mère institutrice et à l'époque les femmes laissaient leur travail quand elles se mariaient. Ma mère, enseignante-née a souffert d'être éloignée de l'enseignement et je l'ai vue revivre quand elle a repris sa carrière. Elle m'a communiqué ce goût de l'enseignement. C'est vrai qu'à l'époque, les filles étaient infirmière, enseignante ou secrétaire. Je suis l'aînée d'une fratrie de 7 enfants et je jouais à la maîtresse d'école avec mes frères et sœurs. Aujourd'hui, j'anime toujours des ateliers.

    L'écriture occupe une grande place dans votre vie, c'est un métier de solitaire, la formation c'est vivre au milieu de beaucoup de gens, vous avez fait une pause à un moment donné, qu'en est-il ressorti ?

    Oui, j'ai dû tout arrêter à cause d'une maladie auto-immune, je me suis retrouvée en chaise roulante, ni mes jambes, ni mes bras ne voulaient fonctionner, je n'avais pas assez écouté mon corps. J'ai traversé cela comme le reste, avec acceptation. J'aime lire, écrire et mon besoin de relation a été satisfait car mon conjoint a pris soin de moi, et bien des gens passaient à la maison, je suis chanceuse. Bien sûr que cela a été difficile, je ne savais pas que j'avais les ressources, j'ai été découragée, j'ai pleuré aussi, mais j'ai vécu avec cela comme le reste, dans l'apprentissage de l'acceptation.

    La vie de couple, une base dans votre enseignement, quels conseils donnez-vous aux amoureux qui désirent avoir une belle relation ?

    Au pluriel j'imagine ? Rires ! Je pourrais en parler des heures. La première chose c'est l'investissement, avec votre cœur, tout ce que vous faites avec tout votre être, ça donne de bons résultats. Le couple, c'est comme le travail, les enfants, les amis, ça demande de s'en occuper, d'en prendre soin, d'y consacrer du temps. Des têtes à têtes, de la communication, cela est fondamental.

    Une de vos conférences est "Être prisonnier d'un système relationnel", pouvez-vous en quelques mots déjà nous éclairer un peu ?

    Il s'agit de regarder de près des fonctionnements entre des personnes, un couple, une famille, un groupe de travail ou une équipe. Les réactions des personnes arrivent en fonction de leurs blessures, de leurs besoins, de leurs réactions défensives, si ces blessures ne sont pas entendues, si ces besoins ne sont pas satisfaits. Il existe des systèmes harmonieux et d'autres dysharmonieux. Si dans une relation, l'autre réveille vos blessures d'humiliation, de culpabilité, d'infériorité, d'abandon, d'exclusion, de rejet, de dévalorisation, d'incompréhension, blessures qui viennent de vos expériences d'enfant et d'adolescent surtout, si votre ami, votre père, votre patron réveille une de vos blessures, et que vous, vous n'êtes pas à l'écoute de ce que cela vous fait vivre, la réaction spontanée, naturelle et normale de tous les êtres humains, c'est de se défendre. On se défend soit par des mécanismes tournés contre nous-mêmes, le refoulement, la rationalisation, la banalisation, ou des mécanismes tournés contre l'autre, le reproche, la critique, la menace, l'attitude de victime qui permet d'obtenir une forme de pouvoir sur l'autre. On est blessé, on se défend, l'autre réagit et se défend aussi. C'est une escalade qui amène au moment où on ne peut même plus se parler. Dans une relation, quand l'autre ne touche pas vos blessures et que vos besoins sont satisfaits, tout va bien, mais ça peut ne pas durer. Dans la conférence, je développe ces différents systèmes relationnels : bourreau/victime, abandonnique/déserteur, envahisseur/envahi, sauveur/affligé, manipulateur/manipulé, ange/démon, dominateur/dominé, juge/coupable, supérieur/inférieur pour les principaux. Je parle de ce qui caractérise par exemple le bourreau et la victime, de ce qui se passe entre eux et du pourquoi ils se sont attirés l'un vers l'autre.

    On parle de nos jours de pervers narcissique ou de relation toxique, c'est terrible de qualifier quelqu'un de la sorte, qu'en pensez-vous ?

    J'aime bien votre question. Chaque maladie psychologique a ses racines dans une blessure qui n'a pas été entendue. La psychose est le mécanisme de défense ultime. Il est vrai que ce sont des êtres avec qui la vie est très difficile parce qu'ils sont complètement coupés de leurs souffrances et de leurs blessures, avec souvent une très grande dévalorisation, par l'infériorisation, par l'abandon. Ils se défendent comme ils peuvent. Ils sont complètement coupés de leur ressenti. Tout cela est bien triste.

    Lequel de ces systèmes vous concerne le plus ?

    Dans ma relation de couple, c'est envahisseur/envahi. Le mécanisme activé varie en fonction des situations et en fonction des relations aussi. J'explique tout cela dans mon livre "De quel système relationnel êtes-vous prisonnier ?"

    Il existe les 5 blessures de l'âme, l'analyse transactionnelle avec parent/enfant/adulte ou la numérologie et tant d'autres manières de se regarder le nombril. En quoi votre approche est-elle différente ?

    La première chose que je trouve importante, c'est d'être en relation avec soi ici et maintenant. Si ce n'est pas le cas, le thérapeute peut confondre avec son propre vécu, tomber dans l'interprétation. Certains ont tout compris au niveau du mental, mais seront incapables d'appliquer quoi que ce soit. Cela peut demander des années de travail sur soi pour parvenir à vivre ici et maintenant. La deuxième chose, on différencie les obstacles intérieurs et les obstacles extérieurs à la communication. On parle de blessure éveillée par l'autre, mais le problème ne vient pas du déclencheur, de celui qui a éveillé la blessure, on le tient pour responsable alors qu'il ne l'est pas. L'obstacle intérieur, c'est la blessure, c'est l'émotion, la peur, la honte ou la culpabilité et cela appartient à la personne et non au déclencheur. Nous avons du pouvoir sur ce qui se passe à l'intérieur de notre être, et toute tentative de changer l'autre ne servira à rien. Autre chose, quand j'enseigne, il y a des règles que j'entends faire respecter. L'atelier commence à neuf heures et pas à neuf heures trente. Les travaux demandés doivent être remis. Une personne ne peut pas participer à un atelier sur la défensive, elle s'investira avec les autres, dans sa vérité profonde en prenant conscience de ses mécanismes de défense.

    Nous nous étions rencontrées en 1999 déjà lors d'une conférence "La liberté dans la relation affective ?" ici à Fribourg, à la librairie Bien-Être. Une des conclusions était : La source de la souffrance se trouve souvent dans le passé. Aujourd'hui, maintenez-vous cette affirmation ?

    Je ne suis pas d'accord pour fouiller dans le passé à longueur de temps. Je travaille comme je l'ai mentionné avec l'ici et maintenant. Mais si une souffrance du passé est réveillée, parce qu'elle est à l'origine de la souffrance d'aujourd'hui, elle sera traitée. Ce n'est pas nécessaire d'aller creuser dans le passé, pour finalement rendre père et mère responsables, qui eux à leur tour rendront père et mère responsables de leurs maux, cela nous rendrait plus malheureux alors que ce que l'on recherche, c'est le bonheur et il se trouve dans l'ici et maintenant.

    "Ma vie, mon chef-d’œuvre", vous animez cet atelier. Suivre cet atelier peut apporter quels bienfaits ?

    Tout ce que je viens de vous dire, être à l'écoute de soi, apprendre à être en relation avec les autres dans la communication authentique. Ce sont nos relations qui nous ont amenés des affects négatifs et c'est par la relation que nous pourrons transformer cela en affects positifs. C'est mon principe de base. Le titre "Ma vie, mon chef d'œuvre" c'est pour dire : je ne subis pas ma vie, je la crée. Je ne me laisse pas mener par toutes sortes de choses, j'ai tout pouvoir de choisir et bien davantage que ce que l'on croit en général.

    Pouvez-vous nous donner vos 3 conseils les plus importants pour vivre harmonieusement ?

    Le travail sur soi, l'écoute de soi, l'amour de soi, l'acceptation. Si je m'accepte à 50 pour cent, je m'aime à 50 pour cent. Les parties de moi que je n'accepte pas, qui me font honte, que je veux cacher, ce sont celles qui hurlent au fond de moi et qui ont besoin d'être acceptées. Dans une relation ce sont des parties auxquelles l'autre n'a pas accès, et la relation n'est pas authentique. Stop aux jugements sévères sur soi-même. L'acceptation de tout ce que je suis, la liberté est à ce prix-là et nulle part ailleurs. Plus je m'accepte, plus je m'aime et plus je serai capable d'être responsable. La responsabilité sans l'acceptation ne dure pas. Le cœur du travail c'est l'acceptation aussi et surtout des parties de nous-mêmes que nous avons pris l'habitude de refouler par peur de ne pas être corrects et en conséquence par peur de ne pas être aimés.

    Êtes-vous heureuse, Colette Portelance ?

    Je peux vous dire que, maintenant, oui je suis heureuse. Le bonheur ce n'est pas l'absence de souffrance, le bonheur c'est une façon de vivre avec ce qui est là, une capacité d'assumer, d'accueillir de composer avec ce qui est, autant avec ce qui est bon qu'avec ce qui l'est moins. Oui, je suis heureuse parce que j'ai appris à composer avec ce qui est. Chercher une vie amoureuse, relationnelle ou personnelle où la souffrance est exclue, c'est une illusion. Quand les déclencheurs de nos blessures sont là, c'est pour nous aider à devenir de meilleures personnes.

    Avez-vous quelque chose à ajouter ?

    J'ai bien apprécié cet entretien et me réjouis de vous rencontrer.

    Merci Colette Portelance

    Christiane Kolly - 8 octobre 2015


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