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«Ils n'avaient jamais vu ça?» une matin-magicienne de Marie-Pier Charron
Durant de nombreuses années, je me suis battue contre la dépression, puis contre l'anxiété chronique. J'ai vécu pendant toute ma vie avec une boule au ventre perpétuelle, rendant plus compliqué encore le moindre choix, la moindre épreuve de vie. Bien sûr, j'ai rencontré un thérapeute formidable, qui m'a aidée à surmonter et à travailler tout cela. Mais malgré plusieurs années de travail rigoureux et efficace, un sujet continuait de me terroriser particulièrement : l'idée d'avoir un cancer. J'étais également terrorisée par tout ce qui touchait les soins médicaux, de la prise de médicaments aux piqûres, en passant par les examens exploratoires en tous genres. Le monde médical, en général, me terrifiait.
Bien entendu, l'année dernière, la Vie s'est chargée de me confronter à ma peur viscérale lorsqu'on m'a diagnostiqué un cancer du sein. Je me suis, comme cela était prévisible, enfoncée dans une angoisse sans fond les premiers jours.
Puis, j'ai cherché des solutions. Mon thérapeute m'ayant initiée à la méditation de pleine conscience, je me suis dit que ça serait peut-être, enfin, l'occasion de la tester pour de bon, en «situation réelle». Je m'y suis donc remise, un peu chaque jour, puis un peu plus, puis encore un peu plus. Au début, cela ne marchait pas bien. Je n'arrivais qu'à sentir encore plus le flux de mes angoisses, j'en sortais tout à fait paniquée, souvent en larmes. Puis, petit à petit, cela a commencé à s'apaiser...
Mais c'est la veille de l'opération que mon miracle s'est produit. Je devais subir un examen très douloureux qui consistait à injecter un produit très brûlant dans les canaux galactophores (je crois que c'est comme ça que cela s'appelle), afin de rendre visibles les ganglions lors de l'opération.
Le médecin m'a immédiatement prévenue : «madame, préparez-vous, ça va être très douloureux». Habituellement, j'en aurais fait un malaise de stress, et j'aurais souffert le martyre, probablement. Mais cette fois, forte de mes outils, j'ai décidé de le vivre différemment. J'ai juste répondu au médecin : «OK, alors, ne me dérangez pas svp, je vais entrer en méditation, donc j'ai juste besoin de me concentrer».
Et c'est ce que j'ai fait : je me suis laissée couler lentement dans l'Océan de l'Univers, prenant conscience de tout ce qui est en l’acceptant inconditionnellement : tout d'abord, la sensation de mon corps sur ce lit d'examen, le flot lent de ma respiration, les battements de mon cœur, la chaleur de la pièce, les odeurs, la lumière tamisée qui filtrait à travers mes paupières, les voix des infirmières et du médecin qui me prévenaient qu'on allait commencer, les sensations de la pièce autour de moi.
Puis, la douleur a commencé, et je l'ai acceptée inconditionnellement, comme une information parmi les autres, comme les battements de mon cœur, comme la chaleur dans la pièce, comme la voix du médecin, etc. Elle m'a traversée, je l'ai identifiée, reconnue, acceptée, puis elle est partie, puis encore, et encore, et encore... J'étais là, à ne poser aucun jugement ni aucune hiérarchisation sur les sensations qui s'offraient à moi. J'étais juste ce qui observait ces sensations, les identifiait, parmi d'autres informations. C'était juste là. C'était juste ce qui se passait maintenant, au présent.
Puis, l'examen s'est arrêté. Le médecin et l'infirmière m'ont dit qu'ils n'avaient jamais vu ça. Que d'ordinaire, certaines femmes crient, pleurent, se tordent de douleur, et que mon visage n'avait pas bougé d'un seul millimètre, qu'aucun rictus, aucun mouvement ne l'avaient traversé durant l'examen. Il est resté paisible. Absolument paisible.
C'est là que j'ai compris que ce qui me rendait malheureuse et souffrante; c'était la souffrance que je remettais moi-même sur la douleur en la refusant, en ayant peur, en la craignant. C'est la peur et le refus de la douleur qui nous font tant souffrir, et qui multiplient par cent la douleur par la souffrance...
Depuis, je suis, bien entendu, toujours surveillée, mais en très bonne voie de guérison. Mais surtout, je ne suis plus la même. J'arrive à vivre les choses, les ressentis, les émotions, les douleurs au présent, sans porter de jugement, en acceptant leur présence, quoi qu'elles soient. J'arrive à vivre TOUT ce que la Vie m'apporte, tout ce qui me traverse, juste le vivre... même et y compris quand ce sont des choses tristes ou douloureuses.
Je me suis également rendu compte il y a quelques semaines que mon petit vélo intérieur à cogitations, pourtant tellement actif, parfois à m'en rendre presque maboule, avait disparu depuis probablement plusieurs mois. Il est parti, comme ça, sans que je m'en rende compte.
J'espère que mon partage pourra inspirer d'autres matins-magiciens et matin-magiciennes. J'ai également une petite pensée pour toutes les personnes qui sont actuellement confrontées à la maladie, à la douleur, au deuil.
Ingrid
Mons, Belgique
Tags : méditation, douleur, examen, hôpital, sein
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